Ressenti de richesse et de sécurité au Clownistan Démocratique
Finalement, tout va très bien et même de mieux en mieux ! Pouët !
Alors que le monde entier retient son souffle en regardant le Proche-Orient basculer dans la guerre, le Clownistan Démocratique français, lui, se regarde le nombril et en tombe vertigineusement amoureux.
Et quoi de mieux, pour se rassurer et s’autocongratuler avec une gourmandise un peu obscène que de s’attribuer goulûment d’excellentes notes et des indicateurs économiques rutilants ? C’est en tout cas l’impression, pardon, le ressenti qu’on peut dégager lorsqu’on prend connaissance au travers d’un article des Echos d’un nouvel indicateur de richesse, pondu par l’inénarrable INSEE et qui vise à corriger le décalage entre la progression du produit intérieur brut et celle du niveau de vie, “en valorisant la dimension monétaire du bien-être national à partir d’informations sur la diffusion de la croissance au sein de la population et des données d’enquêtes relatives à la satisfaction dans la vie des ménages”.
Bien-être national, diffusion de la croissance, richesse ressentie, snif, snif, pas de doute, ça sent un peu le foutage de gueule.
Et lorsqu’on découvre qu’avec l’introduction de ce nouvel indicateur bidulotronesque, la France passe alors au top niveau mondial, le doute n’est plus permis. En substance, en triturant habilement certaines statistiques et en introduisant du “niveau moyen de satisfaction” (imaginez la précision diabolique du concept), on parvient à montrer que les Français n’ont certes ni pétrole, ni idées, mais qu’ils sont assez benoîtement contents de leur situation.
Voilà qui est d’autant plus réjouissant que tout ceci est calibré sur le PIB, c’est-à-dire un indicateur lui-même réputé pour être d’une fiabilité douteuse surtout que des petits malins y ont précédemment introduit la coke et les putes le trafic de drogues et la prostitution, estimant sans doute dommage de ne pas intégrer la richesse générée par ces marchés juteux et qui permettront probablement à des pays comme la Colombie ou l’Ukraine de tenir un rang envié dans le concert des nations…
Ce bricolage grotesque, qui mobilise quelques statisticiens au sein de l’INSEE et doit consterner un paquet d’économistes sérieux, permet néanmoins en réhaussant ainsi l’image générale du pays de justifier un peu tous les interventionnismes de l’État qui se traduiront par de nouveaux prélèvements obligatoires, actuellement au-dessus de 48% du PIB (soit 120% en prélèvements ressentis ou pas loin).
Du reste, cette richesse ressentie accompagnera très bien ce ressenti de sécurité sur le territoire que tous les Français peuvent expérimenter en se baladant un peu tard dans certains quartiers et qui est encore mieux exprimé lorsqu’enfin, la police agit comme récemment pour menacer de fermeture administrative un restaurant de tacos dont le “C” de l’enseigne (“Chamas Tacos”) était tombé en panne laissant le consommateur dans la perplexité.
Certes, vous pourriez vous faire cambrioler, tabasser, ou violer chez vous ou dans un buisson derrière la Tour Eiffel par un de ces sémillants jeunes gens aux nombreuses OQTF, mais au moins rassurez-vous : aucune enseigne ne viendra agresser vos yeux et sous-entendre un djihad dans vos tripes à base de tortillas et de haricots rouges.
Et pendant que la police mettra enfin un terme définitif aux jeux de mots hâtifs sur les enseignes de coiffeurs, elle ne sera pas occupée à tenter de vous déloger du squat de votre propre propriété : puisqu’après tout, certains locataires ne fournissent qu’un ressenti de loyers et que, d’un autre côté, les institutions ne permettent qu’un ressenti de propriété privée en ne vous garantissant qu’un ressenti de justice, on en vient à se dire qu’en squattant son propre bien, on obtiendra sans doute un meilleur ressenti de richesse.
Ressenti de richesse qui va encore considérablement s’accroître alors qu’on apprend, avec un petit tressautement de joie difficile à réprimer, que le “bonus réparation” vient d’être à la fois augmenté et élargi (un peu comme Mathilde Panot lorsqu’elle est devenue député, en somme) : le Français va pouvoir réclamer jusqu’à 25 euros de réductions sur ses factures de réparations diverses et variés dont, notamment, celles d’un écran de smartphone.
Décidément, l’État peut tout se permettre et ménage vos ressentis jusqu’au plus profond de vos poches, qu’il s’emploie parallèlement à délester toujours plus ! Il faut dire qu’au Clownistan Démocratique, on n’épargne pas sa peine pour occuper les foules et même si la vie s’y fera dorénavant sans paillettes (à présent interdites), on n’hésitera pas à multiplier les jeux à mesure que les pains (sans sel) se font plus rares et plus chers.
C’est probablement la raison pour laquelle les prochains Jeux Olympiques seront scrutés avec attention : il ne faudrait pas qu’un ressenti d’insécurité s’infiltre dans ces événements et notamment pendant la cérémonie d’ouverture ; c’est d’ailleurs à ce sujet que David Douillet, ambassadeur de ces Jeux, s’est inquiété des festivités qui doivent normalement se dérouler sur la Seine et dont la sécurité semble de plus en plus problématique à garantir. Cependant, les organisateurs sont formels : il n’y aura pas de plan B au plan d’eau, tout se passera bien et la sécurité sera au top, c’est absolument certain. Ajoutez par dessus une musique adaptée, un ressenti de Marseillaise servant maintenant de nouvelle identité sonore à l’État, et l’affaire est dans le sac !
À force d’empiler ainsi des impressions et des ressentis en lieu et place du concret et du solide, la France se dirige surtout vers beaucoup de ressentiment… Et de ressentiments en aigreurs, d’aigreurs en colère, il n’y a que bien peu de pas…
Ce pays est foutu.
Très bon décryptage de la fraude sur les mots, en tout cas, c'est mon ressenti !