Hopium, la nouvelle bulle d’hydrogène française ?
Où l'on apprend qu'on veut, encore une fois, relancer la filière hydrogène...
Bourrasque dans le paysage des frétillantes startups écolo-syntonisées : voilà qu’on apprend de façon discrète qu’Hopium serait dans la tourmente.
Hopium, ce n’est pas comme son nom l’indique une substance psychotrope destinée à vous faire espérer (“to hope”) des lendemains qui sifflotent, mais bien le nom de cette entreprise française qui s’est récemment lancée dans le développement et la fabrication d’un véhicule haut de gamme ayant l’hydrogène comme carburant. Et manque de chance – ou âpre conjoncture économique – à peine un gros mois après avoir été présentée quasiment comme l’avenir de la voiture française, voilà que l’entreprise annonce des difficultés suffisantes pour l’obliger à subir les titrailles finaudes de la presse française et changer de stratégie globale.
Tout avait pourtant bien commencé : une idée simple (faire rouler une voiture avec une pile à combustible utilisant de l’hydrogène), des fonds dodus, une équipe motivée et un premier prototype agréable à regarder, tout semblait bien parti pour aboutir à l’un de ces fulgurants succès qui caractérisent les audacieux inventeurs du XXIème siècle.
Las ! Après quelques mois et une montée en puissance de l’équipe, des problèmes de financement se font jour et ce, malgré l’injection récente (juin dernier) de capitaux américains.
Dépitée, voilà la société contrainte de réduire quelque peu la voilure (on diminue de 60 employés une entreprise qui en comptait un peu plus de 140 – ce qui, au passage, fait beaucoup pour une entreprise qui n’a pas encore construit sa première série d’engins), réduction qu’on assortit d’un petit recentrage calculé : au lieu de construire les voitures, on va d’abord construire les moteurs, c’est-à-dire ici la pile à combustible produisant de l’électricité à partir de l’hydrogène.
L’avenir nous dira si cette nouvelle démarche permettra à l’entreprise de s’en sortir mais on ne s’épargnera pas d’évoquer ici un problème bien français : les capitaux (ceux issus du privé, s’entend) semblent manquer cruellement dans l’environnement sur-bureaucratisé, sous-vitaminé de l’entrepreneuriat français ce qui n’améliore généralement pas le pronostic de ces jeunes pousses.
Voilà ce qu’on pourrait dire en première analyse…
…Avant de noter la présence, pas très fortuite, d’un certain Jean-Baptiste Djebbari au conseil d’administration de la société. Entré en … juin 2022, au moment pile où – coïncidence fortuite – la société bénéficie d’une nouvelle levée de fonds, cet ancien ministre des Transports sous Macron ne nous rappelle pas du tout les heures les plus conniventes de notre histoire.
Autrement dit, il semble intéressant de regarder au-delà des brochures sur papier glacé, des jolis sites web-deux-zéro animés et des présentations luxueuses d’un produit séduisant : la façon dont l’entreprise a été jusqu’à présent louangée et adulée par la presse de grand chemin permet de mieux comprendre la dynamique globale dans laquelle l’entreprise s’inscrit.
En effet, on retrouve ici encore les thèmes habituels de la lutte contre le réchauff dérèglement climatique et de l’importance de lutter contre l’abominable dioxyde de carbone qui tue des oursons polaires, ainsi que la nécessité d’utiliser de nouvelles formes de stockage d’énergie, de préférence particulièrement inefficaces comme par exemple l’hydrogène.
Eh oui : pour bénéficier des largesses journalistiques de la presse, et pour profiter aussi d’une visite du président de la République lui-même (dont l’inénarrable toucher transforme régulièrement l’or en plomb), il faut cocher toutes les cases de la bien-pensance du moment. Et pour cocher, Hopium coche : c’est Français, ça va demander beaucoup de capitaux en entrée, ce sera facile de se faire bien voir pour les investisseurs et les clients, et surtout, cette histoire d’hydrogène est tout à fait à la mode au point de déjà attirer du politicien comme des bombyx vrombissants par une lampe dans la nuit.
Ces différentes caractéristiques permettent d’affirmer qu’on se retrouve, une fois encore, en présence d’une magnifique “bulle”.
Déjà évoquée dans un précédent article de ces colonnes, la bulle est d’autant plus évidente que la physique est impitoyable : l’utilisation de l’hydrogène comme vecteur énergétique est un gouffre, une fausse solution qui ne pourra probablement jamais convenir pour les besoins auquel on le destine actuellement. Sur le plan écologique, cette pile à combustible sera une catastrophe de même ampleur que les actuelles batteries au lithium, d’autant qu’utiliser de l’hydrogène dans ce procédé revient grosso-modo à fabriquer du caramel pour en extraire du sucre.
De plus, le dihydrogène un gaz qui s’enflamme très facilement et qui, en plus détone violemment au contact d’oxygène. Il faudra donc prévoir de nouvelles normes de sécurité, particulièrement drastiques, pour éviter de transformer sa voiture en Hindenburg à chaque recharge par temps un peu trop sec…
Alors oui, bien sûr, certains objecteront à raison qu’on peut produire ou disons récupérer ce dihydrogène de façon très peu coûteuse (typiquement, par forage ou récupération de la production naturelle qu’on trouve à différents endroits du globe) mais cela pose de nouveaux gros problèmes de logistiques : trimballer ce gaz impossible à retenir durablement dans des conteneurs adaptés coûte rapidement très cher. Il est bien plus probable qu’il sera produit à partir d’une autre source et que les impératifs à rendre cette source elle-même compatible avec les niaiseries écologiques du moment rendront l’ensemble proprement inabordable sans les badigeonner d’une épaisse couche de subventions.
Or, c’est là qu’interviendront les politiciens jamais en mal de distribuer l’argent des autres s’ils peuvent, au passage, se servir ou faire une jolie culbute financière (sur votre dos), ce qui se fera d’autant plus facilement qu’ils sont déjà, peu ou prou, dans la place.
Forcément, ça va bien se passer.
Pourquoi arrêter une affaire qui rapporte des sous quand on peut la faire financer par le peuple crédule et le faire travailler plus longtemps pour en financer encore plus, allogeons le temps de travail pour réduire le changement climatique