Cinéma français : le syndrome Pourrix et Obésix s’étend
À cause du mode de financement des films français, dans un entre-soi moite aux cachets délirants, l’actuelle production sombre d’année en année.
Après un battage médiatique particulièrement omniprésent sur tous les canaux de communication possibles en France, “Astérix et l’Empire du Milieu”, le dernier film de Guillaume Canet, est sorti et le moins qu’on puisse dire est qu’il fait parler de lui. Pas forcément en bien…
Avec la multiplication des publicités dans tous les médias, l’entretien des principaux protagonistes sur les plateaux télé avides de relayer le nouveau “blockbuster” à la française, on pouvait s’attendre à une grande comédie française destinée à un succès auprès des critiques et du public.
Las, les critiques de la presse sont particulièrement peu amènes. Potion amère pour les uns, “pire du milieu” pour d’autres, le moins qu’on puisse dire est que le petit monde des critiques n’a pas loupé le film de Guillaume Canet.
Certains trouveront là le retour de boomerang de la profession face à Seydoux, le patron de Pathé, distributeur et producteur du film, qui avait expliqué il y a quelques mois que le cinéma français s’empêtrait dans son manque de courage et d’ambition et en risquait même de disparaître : cette super-production devait être l’occasion de montrer ce qu’il faut faire pour engranger des tickets et du succès…
Dès lors, on en viendrait presque à croire que les critiques en sont à souhaiter un naufrage du film pour mieux rappeler qu’il ne fait pas bon s’opposer à l’intelligentsia du milieu cinématographique français…
Et apparemment, le naufrage reste possible tant cela ne suit pas non plus chez les spectateurs dont une partie croissante se sent flouée : sur les plus de 3600 notes laissées sur le site Allociné.fr, la moyenne est de 1.5/5 et le tableau des notes ne laisse guère de doute : le public n’apprécie pas la contre-performance de Canet.
À la limite, la critique presse apparaît même un poil meilleure (2,5/5, une petite moyenne sans panache).
En attendant, les associés à la production (TF1 par exemple, certains groupes de presse) mettent en avant un budget colossal pour attirer le chaland, budget qu’on a cependant bien du mal à retrouver dans les décors ou les prestations des acteurs jugés médiocres, puis, lorsque le sujet “budget” est évacué, sur un rassurant démarrage “canon” qui annonce une bousculade de spectateurs dès les premières séances.
Manque de pot, il apparaît que les chiffres annoncés sont quelque peu gonflés des places cumulées aux avant-premières de la veille, gonflement qui sera du reste bien vite justifié par les inévitables fact-checkers (dont ceux de Libération) dont la réputation de serpillières n’est plus à faire.
Au passage, le parallèle est éclairant avec “Vaincre ou Mourir”, production bien plus modeste avec un budget de 3,5 millions d’euros que la critique s’est copieusement relayée pour étriller de toutes les façons possibles (aboutissant à une note de 1,5/5 sur Allociné toujours) mais que le public, lui, n’a pas boudé avec des critiques largement positives (3.9/5 sur Allociné), ce qui lui a autorisé un excellent démarrage malgré le faible nombre de salles dans lequel il a été projeté au début (moins de deux cents). Manifestement, il y a bel et bien un public pour des œuvres qui ne reçoivent pas l’imprimatur de l’intelligentsia germanopratine, et qui, malgré la castration budgétaire inhérente à ce genre de sujet (la République ne distribue ses mannes qu’aux discours approuvés), s’en accommode plutôt bien.
Concrètement cependant, on retrouve les mêmes tendances qui ont animé les précédents opus “Astérix aux Jeux Olympiques” qui fut un échec critique (mais qui parvint toutefois à largement rentrer dans ses frais grâce à l’international) ou “Astérix au service de Sa Majesté” qui fut à peine mieux accueilli par le public et qui aboutit à un échec commercial.
En somme, on est ici dans l’application d’une recette (si un ou deux films sur Astérix n’ont pas forcément bien marché, les autres ont été commercialement très rentables) dans laquelle la prise de risque artistique est finalement minimale voire inexistante. Pire, pour bien faire dans l’air du temps, le film est truffé de discours moralisateurs sur le véganisme ou le féminisme, ce qui n’améliore pas la portance des gags déjà très lourds en eux-mêmes.
Les aides, subventions et autres facilités publiques ainsi que certains avantages fiscaux permettent d’amoindrir encore le risque résiduel tant et si bien que l’opération est très souvent financièrement intéressante. Malheureusement, ce type de montage financier et cette volonté de ne prendre aucun risque, visible tant dans le scénario que dans la réalisation, le choix du casting ou le marketing publicitaire du film, aboutit à des productions qui ne surprennent pas et qui ont généralement des parcours cinématographiques totalement convenus.
On s’amusera du reste de lire les appels un peu gênants de Canet, poussant les Français à aller voir son film, arguant que sans succès, les autres productions françaises pourraient en pâtir, alors même que c’est bien à cause du système particulier de financement des films français, dans un entre-soi moite aux cachets délirants, que l’actuelle production cinématographique sombre d’année en année.
Finalement, il en va de cet opus comme des autres.
Au vu des critiques, particulièrement éreintantes, tout juste peut-on souhaiter que la médiocrité de la réalisation n’obère pas ses rentrées financières, ce qui évitera au contribuable français, impliqué au travers des subventions diverses dont le film a bénéficié comme tant d’autres, d’en être une fois de plus de sa poche. On aura du mal à être optimiste et on ne pourra s’empêcher de penser que ce film, dont on se demande où sont passés les 65 millions d’euros de budget, est surtout une excellente affaire pour ceux qui y ont participé, mais pas vraiment pour le spectateur…
Belle illustration, finalement, de cette France devenue médiocre par épuisement de son audace, par sa volonté de ne plus rien risquer, par son bureaucratisme aux horizons étroits et surtout, son entre-soi bien établi qui aboutit à voir toujours les mêmes têtes toujours aux mêmes places (que ce soit, du reste, dans les arts, dans les médias ou dans la politique).
Ce pays est foutu.
Ce que personne ne veut comprendre, c'est que le cinéma comme industrie est mort. Même motif, même punition pour que celles de la musique, de la presse écrite et audio-visuelle. Même Bollywood souffre grave. Mais le cinéma n'est pas mort comme pas comme mode d'expression artistique. Le numérique a pour premier effet de réduire considérablement la barrière à l'entrée qu'est le besoin de capital pour réaliser un film. Même chose pour la musique. Et c'est tant mieux. C'est le système des rentes mis en place par Lang qui s'effondre.
Et Astérix au cinéma, ce n'est somme toute que le pendant français des films de super-héros US, en bcp moins bon.
Et non, ce pays n'est pas foutu. Suffit de regarder au bon endroit pour s'en rendre compte, donc pas où on nous dit de regarder.
Si je puis me permettre un coup d'épée dans l'eau : personnellement j'en ai assez de voir toujours les mêmes acteurs au cinéma... on les a trop vu et qu'on le veuille ou non, ils finissent tous par jouer leur propre rôle - et non plus le rôle écrit dans le scénario. C'est notre époque qui est comme ça : on manque cruellement d'imagination... de courage et de confiance - et ce dans tous les domaines ! Heureusement la roue tourne, mais pour nous ça risque d'arriver trop tard ! Next !